Bonnets rouges et gros bonnets
Nous partageons avec vous cette analyse, parue dans le dernier n° de Cerises, que Sylvie Larue fait de la "révolte" en Bretagne :
Daniel Sauvaget, PDG de Tilly Sabco, aurait-il retourné sa veste ? Affublé du bonnet rouge, symbole de la lutte des classes en Bretagne, avec ses salariés de son entreprise, il participe à l’occupation de la sous-préfecture de Morlaix pour exiger le retrait de l’écotaxe et le maintien des subventions européennes. Ces aides lui ont permis de dégager des bénéfices pendant plusieurs années en faisant trimer des femmes et des hommes dans des abattoirs gigantesques pour envoyer des poulets surgelés au Moyen-Orient. Entre 2003 et 2013, 887 millions d’euros sont versés par l’Union Européenne pour soutenir l’exportation de poulets surgelés. 767 millions aux Bretons.
Mais voilà, la commission européenne avait annoncé qu’elle mettrait fin à ses subventions à l’exportation de produits agricoles qui permettaient de concurrencer la volaille brésilienne.
Qu’a fait Daniel Sauvaget depuis cette annonce ?
Tilly Sabco, c’est 1000 emplois emplois à Guerlesquin, commune du Finistère de 1400 habitants. Alors évidemment, quand ça ferme, ça fait mal, ça produit de la colère. Cette entreprise exporte des poulets surgelés et nous importons 40 % des poulets que nous consommons en France, 80 % dans la restauration. Cherchez l’erreur !
Comme il faut bien transporter toutes ces marchandises, on développe le transport routier, ça pollue, ceux qui polluent doivent payer, c’est bien connu... On veut bien toucher des subventions, mais on ne veut pas payer de taxe. Cherchez la deuxième erreur...
Et si on remettait le monde à l’endroit ? Si on reparlait de souveraineté alimentaire, de relocalisation de l’économie, de fin de la mal bouffe, de circuits courts. Si on arrêtait les vues à courts termes, les usines à gaz du genre de l’écotaxe, impôt collecté par une boite privée qui, au passage, devait rafler 230 millions d’euros par an, pour imaginer un autre futur pour la Bretagne (et pour le reste du monde…). Peut-être que cela permettrait aux salariés de se donner d’autres perspectives que de manifester aux côtés de leurs exploiteurs, auteurs du formidable enfumage de l’union sacrée entre les employeurs et salariés. Les subventions européennes pourraient alors servir à développer d’autres types de productions.
À Quimper et à Carhaix, celles et ceux qui cherchent des solutions étaient nombreux à battre le pavé. Ne les décourageons pas, ce ne sont pas des nigauds, ce sont des citoyens mobilisés en quête d’alternative.
À Tilly-Sabco, Marvine Harvest, Gad, Renesas, Alcatel, Psa, il y a des salariés qui connaissent leurs métiers, qui sont capables de décider des choix de production de leur entreprise, de porter des solutions. Il ne leur sera pas très difficile de faire mieux que Sauvaget et consort, que ce patronat de combat qui a mis dans le mur tant de collectifs de travail. Il faut trouver le chemin pour construire avec toutes et tous. C’est la tâche du Front de gauche en Bretagne, et ailleurs.